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Defens'Aero
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La question de la récupération d'un pilote de chasse éjecté en territoire hostile

La question de la récupération d'un pilote de chasse éjecté en territoire hostile

Depuis la capture d'un équipage de Mirage 2000N après leur éjection au-dessus de la Bosnie-Herzégovine le 30 Août 1995 dans le cadre de l'opération Deliberate Force, sous l'égide de l'OTAN, la récupération des équipages éjectés en territoire hostile est devenue un questionnement majeur et une priorité au sein de l'Armée de l'Air.

Depuis cette époque, et à ce jour, les forces armées françaises détiennent maintenant une importante expérience sur la récupération des aviateurs dans un territoire ennemi, notamment avec les missions CSAR (Combat Search And Rescue), assurées par les forces spéciales françaises et menées avec des hélicoptères Caracal de l'Armée de l'Air.

  • Un entraînement régulier pour une récupération à tout moment

Cette question de l'entraînement des forces spéciales à la récupération d'un équipage, mais aussi, l'entraînement de ces mêmes équipages à leur survie en territoire hostile, reste une priorité constante avec des entraînements réguliers. Ces entraînement permettent d'acquérir des automatismes et, le jour où la situation s’envenime et que l'éjection reste la seule solution, les aviateurs doivent être prêts à survivre et à se cacher dans l'environnement du théâtre d'opérations si une mission de récupération n'est pas immédiatement disponible, en raison des mauvaises conditions météorologiques, par exemple.

Dernièrement, l'importance de cet entraînement a été démontré avec l'éjection au-dessus de Raqqah, il y a maintenant un an, d'un pilote de chasse de la Force Aérienne Royale Jordanienne. Capturé peu de temps après son arrivée au sol par des jihadistes de l'Organisation Etat Islamique, sa récupération n'a pas été possible en raison de sa capture rapide, et d'une impossibilité pour les appareils de récupération d'atteindre le lieu du crash, notamment en raison de l'éloignement, de la rapidité de la capture, et du manque de carburant entre la base de départ et la zone de l'accident. Malheureusement, on connait tous le sort qu'ont réservé ces jihadistes au pilote.

Plus récemment, une mission CSAR a aussi été assurée par des forces russes déployées en Syrie, qui ont dû chercher et récupérer le navigateur russe qui s'était éjecté de son Su-24M "Fencer" après avoir été abattu par un F-16C de la Force Aérienne Turque.

Un entraînement d'autant plus important car les jihadistes de l'Organisation Etat Islamique disposent de missiles sol-air capables de toucher les aéronefs de la coalition si ils ne volent pas à une altitude de sécurité, ce que redoutent les pilotes français, comme ils avaient pu l'évoquer il y a quelques mois.

  • Des aviateurs "éjectés" dans les Landes

​Afin d'être pleinement compétents le jour J, les aviateurs de l'Armée de l'Air se sont entraînés dans le Landes, au champ de tirs de Captieux, non loin de la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. A cette occasion, la journaliste de l'Agence France Presse (AFP) Valérie Leroux, a eu l'opportunité de participer à l'un de ces exercices. Elle y raconte son déroulement et les péripéties qu'ont subi les aviateurs dans un article publié le 13 Novembre 2015 (lire sa totalité ici).

  • Les conseils

Avant de commencer, «ne restez jamais seul. Si l'un de vous est blessé, l'autre reste avec lui», déclare l'instructeur de cet exercice, le commandant Alexandre, aux équipages des Mirage 2000 et des hélicoptères.

A son tour, l'infirmière prodigue elle aussi ses consignes : «prépositionnez bien le garrot sur votre combinaison. Sans cela, vous pourrez faire tout ce que vous voulez, votre coéquipier vous le perdrez en cas d'hémorragie!».

Les équipages qui vont être "lâchés" ont, selon Valérie Leroux, «accroché balise radio/GPS, fumigènes et pistolet à leur combinaison, rangé pochettes d'eau et barres commandos dans leur poches latérales et ajouté une trousse de premiers soins à leur paquetage». Un équipement qui leur est possible d'utiliser après une éjection. En plus de cela, «ils emportent aussi un morceau de toile de parachute - en réalité le pilote le découpe une fois au sol, après l'éjection - pour se protéger du froid ou se constituer un abri».

Photo : EC 3/11 "Corse" - Entraînement à la survie dans un milieu désertique après une éjection.
Photo : EC 3/11 "Corse" - Entraînement à la survie dans un milieu désertique après une éjection.
  • La cache et la traque

​Une fois ces consignes, et bien d'autres, enseignées aux jeunes équipages, «pilotes et navigateurs, en combinaison de vol kaki, sont débarqués de 4x4 et largués en rase campagne, paquetage au dos, pour 36 heures de mise à l'épreuve».

Le but du binôme est simple : se camoufler et s'enfoncer dans la forêt landaise pour échapper à leurs ennemis, rôle joué par les commandos de l'Armée de l'Air. Mais se cacher n'est pas suffisant, il faut aussi «entrer en contact avec les forces amies sans se faire repérer et gérer le stress face au risque permanent de capture». Pour des raisons de sécurité, les équipages n'en diront pas plus sur la manière de se camoufler dans de telle situation.

Photo : © JEAN-PIERRE MULLER AFP - Les deux aviateurs capturés.
Photo : © JEAN-PIERRE MULLER AFP - Les deux aviateurs capturés.
  • Enfermés dans une cage

Mais plusieurs heures après leurs premiers pas dans le champ de tirs, les deux aviateurs sont «repérés et capturés au matin». La journaliste indique que des soldats jouant le rôle de l'adversaire crient «Tête baissée, A genoux» afin d'intimider les deux militaires, dorénavant otages.

Pour rendre le tout encore plus stressant et plus proche de la réalité, on apprend grâce à ce reportage que «les deux navigateurs, un sac sur la tête, sont jetés dans une cage, sous les aboiements de chiens qui, facteur d'angoisse supplémentaire, viennent renifler leur combinaison. Ils subissent ensuite un interrogatoire censé reproduire au plus près le stress d'une captivité. Les responsables du stage se sont-ils inspirés d'expériences vécues par des otages sur le théâtre syrien ou irakien ? Là aussi, Secret Défense».

Photo : © A. Jeuland / Armée de l'air - Posé poussière d'un Caracal lors d'un exercice.
Photo : © A. Jeuland / Armée de l'air - Posé poussière d'un Caracal lors d'un exercice.
  • ​La libération

Dans le scénario prévu par les instructeurs et décrit dans cet intéressant article, «des partisans» aident alors les deux aviateurs à s'échapper et un hélicoptère Caracal arrive sur zone afin de procéder à la récupération des militaires désormais en sécurité.

L'intervention des forces spéciales est appuyée par un Mirage 2000 qui survole la zone, et des commandos ont tiré à plusieurs reprises afin de riposter contre des insurgés qui tenteraient encore de re-capturer les deux aviateurs.